je ne me pardonnerais pas de vous avoir laissé surprendre.
Cependant peu à peu les traces laissées derrière elle par la compagnie franche étaient devenues moins visibles et avaient fini par disparaître tout à fait.
Un soir, au moment où les voyageurs établissaient leur camp sous un immense bloc de rocher qui formait une espèce d’auvent au-dessus de leur tête, l’haciendero montra à don Martial une légère vapeur blanchâtre qui se détachait vigoureusement sur le bleu du ciel.
— L’éther perd son azur, dit-il, nous allons probablement avoir bientôt un changement de temps. Dieu veuille que ce ne soit pas un ouragan qui nous menace !
Le Tigrero secoua la tête.
— Non, dit-il, vous vous trompez ; vos yeux ne sont pas, ainsi que les miens, accoutumés à interroger le ciel ; ceci n’est pas un nuage.
— Qu’est-ce donc, alors ?
— La fumée d’un feu de fiente de bison allumé par des voyageurs ; nous avons des voisins.
— Oh ! fit l’haciendero, serions-nous sur la piste de nos amis que, depuis si longtemps, nous avons perdus ?
Don Martial garda le silence ; il examinait minutieusement cette fumée, vapeur presqu’imperceptible qui se confondrait bientôt avec l’azur du ciel. Enfin il répondit :
— Cette fumée ne me présage rien de bon. Nos amis, ainsi que vous les nommez, sont Français, c’est-à-dire profondément ignorants de la vie du désert ; s’ils étaient près de nous, il nous serait