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— Que voulez-vous ? demanda don Sylva en s’arrêtant.

— Seigneurie, répondit cet homme, un caballero, suivi de quatre autres portant une table couverte de pièces d’or, demande à parler à la señorita.

L’haciendero lança à sa fille un regard d’une exprèssion indéfinissable.

Doña Anita baissa la tête avec confusion.

Don Sylva réfléchit un instant, puis son visage s’éclaira :

— Faites entrer, dit-il.

Le peon se retira, mais il revint au bout de quelques minutes, précédant notre ancienne connaissance Cucharès, toujours drapé dans son zarapé en loques et guidant les quatre leperos portant la table.

En entrant dans le salon, Cucharès se découvrit respectueusement, salua avec courtoisie l’haciendero et sa fille, et d’un geste enjoignit aux porteurs de poser la table au milieu de la pièce.

— Señorita, dit-il d’un ton mielleux, le señor don Martial, fidèle à l’engagement qu’il a pris vis-à-vis de vous, vous supplie humblement de recevoir le gain fait par lui au monté comme un faible témoignage de son dévouement et de son admiration.

— Drôle ! s’écria avec colère don Sylva en faisant un pas vers lui, savez-vous bien en présence de qui vous vous trouvez ?

— Mais en présence de doña Anita et de son respectable père, répondit imperturbablement le coquin en se drapant majestueusement dans ses guenilles, je n’ai pas que je sache, manqué au respect que je dois à l’un ou à l’autre.