L’haciendero se redressa.
— Vous le voyez, dit-il sévèrement, je ne puis hésiter plus longtemps : il faut que je sauve à tout prix le comte de Lhorailles ; sinon je serai votre complice.
Le Tigrero marchait avec agitation dans la salle, ses sourcils étaient froncés, son visage d’une pâleur mortelle.
— Oui, dit-il d’une voix saccadée, oui, il faut le sauver ; qu’importe ce que je deviendrai après ? Pas de lâche faiblesse ! j’ai commis une faute, je saurai en subir toutes les conséquences.
— Aidez-moi franchement et loyalement dans mes recherches, et je vous pardonnerai, dit don Sylva d’une voix grave : mon honneur est compromis par votre faute, je le remets entre vos mains.
— Merci, don Sylva, vous n’aurez pas à vous en repentir, répondit noblement le Tigrero.
L’haciendero releva doucement sa fille, la serra sur sa poitrine, l’embrassa à plusieurs reprises.
— Ma pauvre enfant, lui dit-il, je te pardonne. Hélas ! qui sait si dans quelques jours je n’aurai pas, moi aussi, à réclamer de toi mon pardon pour toutes les souffrances que je t’aurai infligées ? Va te reposer, la nuit s’avance, tu dois avoir besoin de repos.
— Oh ! que vous êtes bon et que je vous aime, mon père ! s’écria-t-elle avec effusion. Ne craignez rien, quelles que douleurs que l’avenir me prépare, je les supporterai sans me plaindre ; maintenant je suis heureuse, vous m’avez pardonné.
Don Martial suivit la jeune fille du regard.
— Quand comptez-vous vous mettre en marche ? dit-il en étouffant un soupir.