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Aidé par les peones, l’haciendero s’occupa activement à tout installer pour la nuit ; les chevaux furent dessellés, entrés dans une espèce de corral clos de murs, dont ils ne pouvaient sortir, et mis à même d’une ample provision d’alfalfa ; les malles furent déchargées, les ballots transportés dans la grande salle où on les empila, après en avoir ouvert un pour en tirer les vivres nécessaires, puis on alluma un brasier énorme, au-dessus duquel on suspendit un quartier de daim.

Lorsque ces divers préparatifs furent terminés, l’haciendero s’assit sur un crâne de bison, alluma une cigarette de paille de maïs, se mit à fumer, tout en jetant par intervalle un douloureux regard à sa fille, toujours plongée dans ses tristes réflexions.

L’absence de don Martial fut assez longue ; elle dura près de deux heures. Au bout de ce temps, on entendit les sabots de son cheval résonner au dehors sur le sol pierreux des ruines, et il reparut.

— Eh bien ? lui demanda don Sylva.

— Mangeons d’abord, répondit le Tigrero en désignant la jeune fille d’un geste que son père comprit.

Le repas fut ce qu’il devait être entre gens préoccupés et fatigués d’une longue journée de marche, c’est-à-dire court. Du reste, à part le quartier de daim rôti, il ne se composait que de cainc, de tortillas de maïs et de frijoles con aji.

Doña Anita effleura quelques cuillerées de confitures de tamarindos du bout des lèvres ; puis, après avoir salué les assistants, elle se leva et se retira dans un petit cabinet contigu à la grande salle, où on lui avait installé tant bien que mal un lit fait avec les armes d’eau et les fourrures de son père, et