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d’autre but que de le délivrer, lui et sa fille, des mains des Peaux-Rouges.

Le voyage était triste et silencieux. Au fur et à mesure que les voyageurs s’approchaient du désert, le paysage prenait une grandeur sombre propre aux contrées primitives qui influait à leur insu sur leur esprit et les plongeait dans une mélancolie qu’ils étaient impuissants à surmonter.

Plus de huttes, plus de jacales, plus de voyageurs rencontrés au bord du chemin et vous saluant au passage d’un affectueux souhait de bon voyage, mais des terrains bouleversés, des forêts impénétrables peuplées de bêtes fauves dont les yeux étincelaient comme des charbons ardents au milieu des fouillis de lianes, de hautes herbes et de buissons enchevêtrés les uns dans les autres.

Parfois la piste des Français se laissait voir sur le sol foulé par un grand nombre de chevaux, puis tout à coup le terrain changeait d’aspect, et toute trace disparaissait.

Chaque soir, après une battue faite par le Tigrero afin d’éloigner les bêtes féroces, le camp était dressé sur le bord d’un ruisseau, les feux allumés, une hutte en branchages était construite à la hâte pour abriter doña Anita contre le froid de la nuit ; puis, après un maigre repas, chacun s’enveloppait dans ses fressadas et ses zarapés et s’endormait jusqu’au jour.

Les seuls incidents qui venaient parfois rompre la monotonie de cette vie étaient la découverte d’un elk ou d’un daim, à la poursuite duquel se lançaient à toute bride don Martial et ses quatre peones, jusqu’à ce que le pauvre animal fût forcé et tué