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Lhorailles, bien que dans certaines occasions ils l’eussent vu marcher intrépidement au combat, ils ne lui obéissaient qu’avec une certaine répugnance.

Le comte de Lhorailles avait de grands torts à leurs yeux : d’abord celui d’être comte ; ensuite ils le trouvaient trop poli, sa voix était trop douce, ses manières trop délicates et trop efféminées ; ils ne pouvaient se figurer que ce gentilhomme si bien mis, si bien ganté, fût capable de leur faire accomplir de grandes choses ; ils auraient voulu pour chef un homme d’une forte carrure, au parler rude, aux manières brutales, avec lequel ils auraient vécu pour ainsi dire sur un pied d’égalité.

Le matin, le bruit s’était répandu que le camp allait être levé pour entrer dans le désert et se lancer à la poursuite des Apaches.

Aussitôt les groupes s’étaient formés, les commentaires avaient commencé, les têtes s’étaient échauffées peu à peu ; bientôt la résistance s’était sourdement organisée, et lorsque le lieutenant Diego Léon était venu officiellement donner l’ordre de lever le camp, il avait été accueilli par des rires, des sifflets et des quolibets ; on s’était moqué de lui ; bref, il avait été contraint de reculer devant l’émeute et de retourner auprès du capitaine pour lui faire son rapport.

Un officier, dans une circonstance semblable, a un tort très-grand de manquer de sang-froid et d’abandonner la place à l’émeute ; il doit se faire tuer plutôt que de reculer d’un pas.

Dans une révolte, une concession en amène forcément une autre ; alors il arrive inévitablement ceci : les rebelles se comptent, et en même temps