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entourent la maison en proférant des menaces contre vous ; ils disent qu’ils veulent vous parler, qu’ils sont certains d’obtenir ce qu’il désirent de gré ou de force.

— Je suis curieux de voir cela, dit le comte, toujours impassible, en faisant un pas vers la porte.

— Arrêtez, capitaine ! s’écrièrent les officiers en se précipitant au devant de lui : nos hommes sont exaspérés, il pourrait vous arriver malheur.

— Allons donc, messieurs ! répondit-il en les écartant froidement du geste, vous êtes fous ; ils ne me connaissent pas bien encore. Je veux montrer à ces bandits que je suis digne de les commander.

Et sans écouter aucune prière, il sortit lentement de la salle, d’un pas ferme et tranquille.

Voici ce qui s’était passé :

Les peones de Blas Vasquez avaient, depuis quelques jours que la compagnie bivouaquait dans les ruines de la ville, raconté aux cavaliers français, en les exagérant encore, de lugubres et sombres histoires sur le désert, rapportant sur ces régions maudites des détails capables de faire dresser les cheveux sur la tête de l’homme le plus, brave. Malheureusement, ainsi que nous l’avons dit, la compagnie était campée à deux lieues à peine de l’entrée du del Norte ; les sinistres horizons du désert ajoutaient encore, par leur effrayante mise en scène, à l’effet des terribles récits des peones.

Tous les soldats du compte de Lhorailles étaient des Dauph’yeers français, pour la plupart gens de sac et de corde, braves, mais, comme tous les Français, faciles à entraîner soit en avant, soit en arrière, et aussi résolus pour le bien que pour le mal. Depuis qu’ils se trouvaient sous les ordres du comte de