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— Je n’en demande pas davantage.

Blas Vasquez, avec cet instinct de méfiance inné chez les âmes loyales, en présence de certaines natures mauvaises, éprouvait à son insu pour le lepero une répugnance invincible : cette répugnance s’était révélée en lui dès le premier moment de l’apparition de Cucharès dans la salle la nuit précédente. Pendant qu’il parlait à Monsieur de Lhorailles, il l’examinait avec soin. Lorsqu’il se tut, il fit un signe au comte. Celui-ci s’approcha de lui.

Le capataz l’amena dans un angle éloigné de la salle, et, se penchant à son oreille :

— Prenez garde, lui dit-il à voix basse, cet homme vous trompe.

— Vous le savez ?

— Non ; mais j’en suis sûr.

— Comment cela ?

— Quelque chose me le dit.

— Avez-vous des preuves ?

— Aucune.

— Allons, vous êtes fou, don Blas, la crainte trouble vos sens.

— Dieu veuille que je me trompe !

— Écoutez, rien ne vous oblige à nous suivre. Restez ici à nous attendre ; de cette façon, quoi qu’il arrive, vous échapperez aux dangers qui, à votre avis, nous menacent.

Le capataz se redressa avec une majesté suprême.

— Assez, don Gaétan, dit-il froidement. J’ai agi, en vous avertissant, comme me le commandait ma conscience. Vous ne voulez pas tenir compte de mes avis, vous êtes libre ; j’ai rempli mon devoir ainsi que je devais le faire. Vous voulez marcher en