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— Ne vous inquiétez de rien, vous dis-je, et laissez-moi faire.

La jeune fille s’inclina avec soumission, et, malgré la curiosité qui la dévorait, elle se retira, sans interroger davantage don Martial, dans le jacal — cabane — de branchage préparé pour elle.

Don Martial, au lieu de se livrer au sommeil, s’assit sur le sol, croisa ses bras sur la poitrine, s’adossa à un arbre, et, jusqu’au point du jour, il demeura immobile, plongé dans de profondes et mélancoliques réflexions.

Au lever du soleil, le Tigrero secoua l’engourdissement de la nuit et appela ses compagnons.

Dix minutes plus tard, la petite troupe se mit en marche.

— Oh ! oh ! fit l’haciendero, vous êtes bien matinal, aujourd’hui, don Martial ?

— N’avez-vous pas remarqué que nous n’avons pas déjeuné avant de partir, ainsi que nous le faisons chaque jour ?

— Parbleu !

— Savez-vous pourquoi ? c’est que nous déjeunerons à Guetzalli, où nous arriverons dans deux heures au plus tard.

— Ah ! caramba ! s’écria l’haciendero, Vous me faites plaisir en m’apprenant cela.

— N’est-ce pas ?

— Ma foi, oui.

Doña Anita, en l’entendant parler ainsi, avait lancé à don Martial un regard de douleur ; mais elle lui vit un visage si tranquille, un sourire si gai, qu’elle se sentit subitement rassurée, soupçonnant intérieurement que les réticences du Tigrero à son égard cachaient quelque surprise agréable qu’il lui voulait faire.