Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Cependant vous le croyez ; eh bien, vous vous trompez, caballero, je ne suis pas fâché de vous l’apprendre ; pendant les quelques heures que j’ai passées à l’hacienda, j’ai questionné, je me suis informé, et comme je m’annonçais en qualité de porteur d’un billet très-pressé pour el señor conde, nul n’a fait de difficultés pour me répondre. Il paraît que les Apaches, au lieu de pousser en avant, ont été si bien battus par les Français, pour desquels, entre parenthèse, ils ont contracté une frayeur énorme, qu’ils se retirent sur le désert del Norte, afin de regagner leurs villages ; el conde les poursuit, n’est-ce pas ?

— Oui vous me l’avez dit.

— Eh bien, selon toute probabilité, il n’osera pas s’aventurer dans le désert.

— Naturellement, fit en frissonnant le Tigrero, malgré tout son courage.

— Fort bien ! alors il ne peut s’arrêter qu’à un seul endroit.

— À la Casa-Grande ! s’écria vivement don Martial.

— Juste ! je suis donc certain de le rencontrer là.

— Corps du Christ ! allez-vous donc vous y rendre.

— Je me mettrai en route aussitôt après votre départ.

Le Tigrero le considéra avec étonnement.

— Tudieu ! s’écria-t-il au bout d’un moment, vous êtes un rude homme, Cucharès ; je suis heureux de voir que je ne me suis pas trompé sur votre compte.

— Que voulez-vous, répondit avec modestie le coquin, tout en clignant son œil gris avec malice ; les relations que j’ai entamées avec vous me sont