Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/321

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce qui avait excité la curiosité du Tigrero et l’avait poussé à tenter l’entreprise et à s’assurer de la signification du signal qu’il avait aperçu, c’est qu’il avait reconnu qu’il partait de cette île, fait extraordinaire qu’il ne s’expliquait d’aucune façon, d’autant plus qu’il savait pertinemment que les Indiens avaient pour le rocher une vénération jointe à une terreur superstitieuse si grande que jamais un guerrier indien, quelque brave qu’il fût, n’aurait osé y passer la nuit. C’était surtout la connaissance de cette particularité qui l’avait engagé à approfondir le mystère qu’il soupçonnait.

Des herbes hautes et touffues croissaient à profusion jusqu’au bord de la rivière. Dissimulé encore par des palétuviers, des mangles épais et enchevêtrés les uns dans les autres dans un désordre et un tohu-bohu inextricable, le Tigrero se glissa avec précaution jusqu’à la rive ; dès qu’il l’eût atteinte, il se suspendit à une branche et se laissa glisser si doucement dans l’eau, que son immersion n’occasionna aucun bruit.

Alors tenant son rifle élevé au-dessus de l’eau, afin de le préserver de l’humidité, il nagea d’une main dans la direction de l’île.

La distance était courte, le Tigrero nageait vigoureusement, il atteignit bientôt l’endroit où il voulait aborder.

Dès qu’il fut sur l’île, il se glissa en rampant dans les broussailles, prêtant l’oreille au moindre bruit et cherchant à sonder les ténèbres.

Il ne vit rien, n’entendit rien ; alors il se releva et marcha vers une des grottes, à l’entrée de laquelle, de l’endroit où il se trouvait, il distinguait