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— Oui, répondit le lepero.

— Pars et que Dieu te garde de mauvaise rencontre. Dans un quart d’heure derrière ce morne, ajouta-t-il rapidement à voix basse.

— Convenu, fit l’autre en s’inclinant.

— Prends cette pirogue, continua le Tigrero.

Si l’haciendero avait pu concevoir des soupçons ils se dissipèrent lorsqu’il vit Cucharès sauter dans la pirogue, saisir les pagaies et s’éloigner sans échanger un signe avec le Tigrero et même sans détourner la tête.

— Voici la première partie de vos instructions remplie, dit le Tigrero en revenant auprès de don Sylva ; maintenant je vais m’acquitter de la seconde ; prenez mes pistolets et mon machete ; en cas d’alerte vous pourrez vous défendre. Je vous laisse ici ; surtout ne vous éloignez pas ; dans deux heures au plus tard je vous rejoindrai.

— Savez-vous donc où trouver des chevaux ?

— Ignorez-vous que le désert est mon domaine ? répondit-il avec un sourire mélancolique ; je suis ici chez moi, bientôt vous en aurez la preuve. Au revoir.

Et il s’éloigna à grands pas dans une direction opposée à la pirogue.

Lorsqu’il eut disparu aux regards de don Sylva derrière un massif d’arbres et de broussailles, le Tigrero fit un brusque crochet sur la droite et revint en courant sur ses pas.

Cucharès, nonchalamment assis à terre, fumait une cigarette en l’attendant.

— Pas de mots, des faits, dit le Tigrero ; le temps nous presse.