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fois face à face, laissez-moi vous dire que peu d’hommes vous sont aussi dévoués que moi.

— Vous venez de me le prouver, caballero.

— Laissons cela ! reprit-il vivement ; maintenant que vous êtes libre de vos actions, que vous pouvez agir à votre guise, parlez, commandez, que voulez-vous, qu’exigez-vous de moi ? je suis prêt à faire tout ce qu’il vous plaira, afin de vous prouver combien je serais heureux de vous être agréable.

— Voilà un langage que je comprends, caballero, et auquel je répondrai avec franchise. Des raisons importantes me contraignent à retourner à la colonie française de Guetzalli, où je me trouvais lorsque les païens m’ont si traîtreusement enlevé.

— Quand voulez-vous partir ?

— Tout de suite, si cela est possible.

— Tout est possible, caballero. Je vous ferai seulement observer que nous sommes à près de trente lieues de cette hacienda ; que le pays où nous nous trouvons est désert, qu’il nous sera fort difficile de trouver des chevaux, et que, malgré toute notre bonne volonté, nous ne pouvons faire cette route à pied.

— Surtout ma fille, n’est-ce pas ? reprit-il avec un sourire sardonique.

— Oui, répondit le Tigrero, surtout la señorita.

— Comment faire alors, car il faut absolument que je retourne là-bas, avec ma fille, ajouta-t-il en appuyant avec intention sur ces deux mots, et cela le plus tôt possible.

Le Tigrero mentait en assurant à don Sylva qu’il se trouvait à trente lieues de la colonie : il n’en était tout au plus qu’à dix-huit ; mais dans un pays