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la retraite nous sera coupée ; venez, je vous en supplie.

— Non, mon père, répondit-elle en secouant la tête, je suis résignée ; quoi qu’il arrive, je vous le répète, je ne bougerai pas d’ici.

— Mais c’est de la folie, cela ! s’écria l’haciendero avec douleur, vous voulez donc mourir, alors ?

— Que m’importe ! fit-elle avec tristesse, de toutes les façons, ne suis-je pas condamnée ? Dieu m’est témoin, mon père, que, pour échapper à l’hymen qui se prépare pour moi, je préférerais mourir !

— Ma fille, au nom du ciel !…

— Que vous importe, mon père, que je tombe aujourd’hui entre les mains des sauvages païens, puisque, demain, vous me livrerez, vous-même, de vos propres mains, au pouvoir d’un homme que je déteste ?

— Ne me parlez pas ainsi, ma fille. D’ailleurs, le moment est assez mal choisi, il me semble, pour une discussion comme celle-ci. Venez, les cris redoublent, bientôt il sera trop tard.

— Partez, si cela vous convient, mon père, répondit-elle résolument ; moi, je reste, quoi qu’il arrive.

— Puisqu’il en est ainsi, que vous vous obstinez à me résister, j’emploierai la force pour vous contraindre à m’obéir.

La jeune fille embrassa vivement le tronc d’un cèdre-acajou du bras gauche, et, lançant à son père un regard rempli d’une expression de volonté implacable :

— Faites, si vous l’osez, mon père ! s’écria-t-elle ; seulement je vous avertis qu’au premier pas que vous ferez vers moi, il arrivera cela même que vous