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Sa voix, saccadée par l’émotion ou la colère, s’élevait brève et impérieuse ; elle parlait à quelqu’un.

Mais à qui ? quel était l’homme qui était parvenu à la découvrir, dans ce lieu retiré où elle se croyait si bien cachée, et qui, selon toute probabilité, voulait la contraindre à le suivre ?

Le Tigrero prêta l’oreille.

Bientôt, il fit un geste de colère et de menace ; il avait reconnu la voix de l’homme avec lequel parlait doña Anita : cet homme était son père.

Tout était perdu.

L’haciendero cherchait à entraîner sa fille du côté des bâtiments, en employant les raisons de sûreté et de prudence les plus convaincantes. Il paraissait ne pas se douter du motif qui avait amené sa fille en cet endroit.

Doña Anita refusait de s’éloigner, alléguant le danger d’être rencontrée par un Indien maraudeur et de tomber ainsi dans le péril qu’elle voulait à toute force éviter.

Don Martial se frappa le front : un sourire singulier plissa ses lèvres, son œil lança un éclair, et il s’éloigna rapidement du côté du rivage.

Cependant, le combat continuait toujours ; parfois, il semblait se rapprocher, des cris de malédiction se faisaient entendre ; parfois, un fulgurant éclair traversait l’espace, et un crépitement de balles retentissait, avec ce bruit sec et sifflant qui imprime la terreur aux guerriers novices.

— Au nom du ciel ! ma fille chérie, reprit don Sylva avec insistance, venez, nous n’avons pas un instant à perdre : dans quelques secondes, peut-être,