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Il arriva en quelques brassées au milieu des mangliers, parmi lesquels il disparut ; mais là un autre bonheur l’attendait : la pirogue chavirée et abandonnée à elle-même était venue s’échouer avec d’autres bois flottants contre le tronc d’un arbre.

Cucharès, sorti de l’eau, parvint facilement à vider la pirogue et à la remettre à flot. Ces embarcations sont tellement légères que rien n’est plus aisé que de les vider ; elles sont construites dans ces régions avec l’écorce du bouleau, que les Indiens enlèvent au moyen d’eau chaude.

À peine avait-il touché la terre qu’une ombre se pencha vers lui et murmura à son oreille ;

— Tu as bien tardé.

Le lepero fit un mouvement d’effroi, mais il reconnut don Martial ; en deux mots, il le mit au courant de ce qui lui était arrivé.

— Tout est pour le mieux, puisque vous voilà, répondit le Tigrero ; cachez-vous dans les mangliers, et, sous aucun prétexte, ne bougez pas avant mon retour.

Et il s’éloigna rapidement.

Cucharès obéit avec d’autant plus d’empressement qu’il entendait non loin de lui le bruit du combat acharné que se livraient en ce moment les Français et les Apaches.

Don Martial, le poignard à la main, afin d’être prêt à tout événement, avait glissé comme un fantôme jusqu’au massif de floripondies où doña Anita l’attendait toute tremblante.

Sur le point d’écarter les branches qui le séparaient de la jeune fille, il s’arrêta, la poitrine haletante, les sourcils froncés : elle n’était pas seule.