— Faites.
— Mais, en ce moment, vous trahissez vos amis ?
— Moi ! lesquels ?
— Ceux que vous avez servis jusqu’à présent.
— Un homme comme moi, caballero, n’a pas d’amis, il n’a que des clients.
— Clients ou amis, vous les trahissez.
— Peuh ! nous avons terminé nos comptes ; il ne me doivent plus rien, ni moi non plus ; nous sommes quittes. Voyez-vous, caballero, dans toute affaire, il y a deux faces, toutes les deux bonnes à exploiter pour un homme habile. J’ai tiré tout ce que je pouvais de la première ; eh bien, à présent, je veux essayer la seconde.
Le comte écoutait le lepero développer cette étrange théorie avec un étonnement mêlé de terreur ; un cynisme si cru et si éhonté l’épouvantait malgré lui ; et cependant Monsieur de Lhorailles n’avait pas l’épiderme sensible.
— Nous disons donc que vous venez pour me rendre un service.
Le lepero sourit.
— Entendons-nous, répondit-il. J’ai dit cela pour ne pas effaroucher la conscience des caballeros qui se trouvaient ici lorsque je suis entré ; mais, de vous à moi, je serai plus franc.
— Ce qui veut dire ?…
— Que je suis venu pour le vendre.
— Soit.
— Je vous le vendrai cher.
— Soit.
— Très-cher.
— Peu importe, s’il en vaut la peine.