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fini, et j’arrive au point qui vous intéresse particulièrement ; je voulais seulement vous faire voir que si vous ne me connaissez pas, moi, je vous connais, en revanche, beaucoup plus que vous ne le croyiez.

Le comte, pour ne pas s’emporter, frappait du poing sur la table et agitait convulsivement sa jambe droite rejetée sur la gauche.

— Je reprends, continua l’inconnu. Certes, en débarquant au Mexique, vous ne comptiez pas, si grande que fût votre ambition, conquérir en aussi peu de temps une position aussi brillante. La fortune facile est mauvaise conseillère ; le trop d’hier n’est plus l’assez d’aujourd’hui. Lorsque vous avez vu que tout vous réussissait, vous avez voulu, par un coup de maître, couronner votre œuvre et vous placer pour toujours à l’abri des revers inattendus de cette fortune aujourd’hui votre esclave, mais qui, demain, peut subitement vous tourner le dos. Je ne vous blâme pas : c’était agir en joueur émérite, et, joueur moi-même, je sais apprécier chez les autres cette qualité que je ne possède pas.

— Oh ! fit le comte.

— M’y voilà, patience ; alors, vous avez regardé autour de vous, et vos yeux se sont portés naturellement sur don Sylva de Torrès. Ce caballero réunissait toutes les qualités que vous cherchiez dans un beau-père ; car, ce que vous vouliez, c’était contracter un riche mariage. Eh ! vous ne m’interrompez plus, maintenant ; il paraît que le récit que je vous fais de votre propre histoire commence à vous intéresser. Don Sylva est bon, crédule ; de plus, il est colossalement riche, même pour ce pays, où les