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ne regretterez pas de m’avoir fait rompre un incognito que j’avais probablement intérêt à conserver.

Ces paroles furent prononcées avec un ton de sarcasme mêlé de menace que chacun devina, malgré l’apparente insouciance de l’inconnu.

— Peu importe, señor, dit le comte avec hauteur, je suis un de ces hommes dont l’épée soutient les paroles ; maintenant, sans plus d’ambages et de faux fuyants, veuillez me dire votre nom.

— Lequel voulez-vous savoir, caballero ? est-ce mon nom de guerre, mon nom d’aventure, mon nom de ?…

— Dites celui qu’il vous plaira ! s’écria le comte avec violence, pourvu que vous nous en appreniez un.

L’étranger se leva, et, promenant un regard hautain autour de lui :

— Je vous ai dit en entrant dans cette salle, caballero, fit-il d’une voix ferme, que j’avais fait deux cents lieues afin de vous demander un service ; je vous ai trompé, je n’attends rien de vous, ni service ni faveur ; c’est moi, au contraire, qui veux vous être utile ; je suis venu pour cela et pas pour autre chose. Qu’est-il besoin que vous sachiez qui je suis, que vous connaissiez mon nom, puisque je ne serai pas votre obligé, mais que vous, au contraire, serez le mien ?

— Raison de plus, caballero, pour que vous vous démasquiez ; je veux bien respecter la qualité d’hôte que vous usurpez ici, pour ne pas vous contraindre par la force à faire ce que je vous demande ; mais retenez bien ceci : je suis résolu, quoi qu’il arrive,