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— C’est inutile, seigneur, il y a neuf mille quatre cent cinquante onces d’or[1].

À l’annonce de ce chiffre formidable, les assistants poussèrent une exclamation d’admiration et de convoitise à la fois.

— Je vous croyais plus riche, dit ironiquement l’étranger. Enfin, va pour neuf mille quatre cent cinquante onces.

— Cette fois, taillerez-vous, seigneurie ?

— Non ; il est incontestable pour moi que vous allez perdre, Tio-Lucas. Je veux que vous soyez bien convaincu que je gagne loyalement. Pour cela, faites-moi le plaisir de tailler vous-même ; vous serez ainsi, ajouta-t-il avec ironie, l’artisan de votre ruine et n’aidez de reproches à adresser à personne.

Les assistants trépignaient de plaisir en voyant la façon chevaleresque dont agissait l’étranger. En ce moment, la rue était littéralement pleine de monde que l’attrait de cette partie étrange avait rassemblé de tous les coins de la ville.

Un silence de mort planait sur cette foule anxieuse, tant était grand l’intérêt que chacun prenait au dénoûment heureux ou malheureux de cette partie grandiose et jusque-là sans exemple.

Le banquier essuya la sueur qui perlait sur son front livide ; et d’une main tremblante il saisit la première carte.

Quelques secondes, il la balança entre le pouce et l’index avec une hésitation manifeste.

— Allez donc, lui cria en ricanant Cucharès.

  1. Environ 784,320 francs de notre monnaie. (Historique.)