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Les assistants regardaient avec une stupeur mêlée d’effroi cet homme extraordinaire qui jouait des onces et des diamants comme d’autres jouaient des ochavos.

La jeune fille devint pâle ; elle jeta un regard suppliant à l’étranger.

— Ne jouez plus, murmura-t-elle d’une voix tremblante.

— Merci, s’écria-t-il, merci, señorita, vos beaux yeux me porteront bonheur ; je donnerais tout l’or qui est sur cette table pour la fleur de suchil que vous tenez à la main, et que vos lèvres ont effleurée.

— Ne jouez plus, don Martial, répéta la jeune fille, en se rejetant vivement en arrière et en refermant la fenêtre.

Mais, soit hasard, soit tout autre raison, sa main laissa échapper la fleur de suchil.

Le cavalier fit bondir son cheval, la rattrapa au vol et la cacha dans son sein, après l’avoir baisée avec passion à plusieurs reprises.

— Cucharès, dit-il au lepero, retournez une carte.

Celui-ci obéit.

Seis de copas, dit-il.

Voto à brios ! s’écria l’étranger, la couleur du cœur, nous devons gagner. Tio-Lucas, je vous joue sur cette carte tout l’or amoncelé sur votre table.

— Le banquier, pâlit, il hésita ; les assistants avaient les yeux fixés sur lui.

— Bah ! At-il au bout d’une minute, il est impossible qu’il gagne. J’accepte, seigneurie, dit-il.

— Comptez la somme que vous avez.