Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est-à-dire qu’il les rejoignit au moment où, après avoir tenté une assaut inutile contre la batterie de l’isthme, ils fuyaient éperdus, poursuivis par la mitraille qui les décimait, d’autant plus que maintenant qu’ils avaient tout brûlé ils n’avaient plus d’arbre pour s’abriter ; cependant la plus grande partie parvint à échapper au massacre, grâce à la vitesse de leurs chevaux.

La Tête-d’Aigle se trouva inopinément, au moment où il y songeait le moins, au milieu des fuyards. Dans le premier instant, chacun était trop pressé de songer à son salut pour s’occuper de lui et le reconnaître ; le chef en profita pour se jeter vivement de côté et se cacher derrière un rocher, où il s’abrita.

Mais il se passa alors une chose étrange : à peine le chef s’était-il soustrait à la vue des fuyards et les avait-il examinés un instant qu’un sourire d’une expression indéfinissable plissa ses lèvres ; il éperonna son cheval et le fit bondir au milieu des Indiens, en poussant à deux reprises différentes un cri rauque d’une modulation saccadée et vibrante.

À ce cri, les Indiens s’arrêtèrent dans leur fuite, et se précipitant de toutes parts vers celui qui l’avait poussé, ils se rangèrent tumultueusement autour du chef avec l’expression d’une crainte superstitieuse et d’une obéissance passive et respectueuse.

La Tête-d’Aigle promena son regard hautain sur la foule qui de pressait à ses côtés et qu’il dominait de toute la tête.

— Ooah ! dit-il enfin d’une voix gutturale avec