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civilisés, qui seuls auraient pu combattre avantageusement contre les envahisseurs, ceux-ci ont reconquis en quelques années à peine ce qu’il avait fallu à l’Espagne avec sa toute-puissance, des siècles pour leur faire perdre. Il résulte de tout cela que les terres les plus fertiles et les meilleures du monde restent en friche, que l’on ne peut faire un pas dans ces malheureuses contrées sans rencontrer des ruines encore fumantes, et que l’audace des sauvages s’est si bien accrue, que maintenant ils ne se donnent même pas la peine de cacher leurs expéditions, que chaque année ils les font à la même époque, le même mois, presque le même jour, et que ce mois est appelé par eux en dérision la lune du Mexique, c’est-à-dire lune pendant laquelle on pille les Mexicains.

Tous les faits que nous rapportons ici seraient le comble de la bouffonnerie s’ils n’étaient le comble de l’atrocité.

L’Ours-Noir avait fondé la grande confédération dont nous avons parlé précédemment, dans le but de se relever aux yeux de ses compatriotes, que plusieurs expéditions malheureuses avaient considérablement refroidis à son égard. Comme tous les chefs indiens importants, il était ambitieux ; déjà il avait réussi à détruire certaines peuplades et à les fondre dans sa nation ; il n’aspirait à rien moins qu’à réduire les Comanches et à les obliger à reconnaître sa suzeraineté ; entreprise difficile, pour ne pas dire impossible, car la nation comanche est à juste titre reconnue pour la plus belliqueuse et la plus redoutable du désert : cette nation qui s’intitule elle-même orgueilleusement la reine des prairies, ne souffre qu’à peine la présence des Apache sur le