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chargés de leurs branches. Depuis quelque temps, une quantité énorme de ces arbres s’était réunie et agglomérée autour de la pirogue sans que le lepero pût attribuer une raison plausible à ce fait singulier, d’autant plus que ces arbres, qui, par la force des lois naturelles, devaient suivre le courant et descendre avec lui, le coupaient au contraire dans toutes les directions, et, au lieu de tenir le milieu du fleuve, tendaient à se rapprocher incessamment de la rive où s’élevait l’hacienda.

Chose plus extraordinaire encore, la marche de ces bois flottants était si bien réglée, que tous se dirigeaient vers le même point, c’est-à-dire vers l’extrémité de l’isthme, le derrière de l’hacienda ; puis, fait effrayant, Cucharès voyait briller des yeux flamboyants, se dessiner des têtes hideuses, des profils affreux, au milieu de ce fouillis de branches, de souches et d’arbres entrelacés.

Il n’y avait pas à en douter, chaque arbre recelait au moins un Apache ; les Indiens, ayant échoué d’un côté dans leur tentative, cherchaient à surprendre la colonie par le fleuve et venaient à la nage, cachés par les arbres, au milieu desquels ils étaient embusqués.

La position du lepero était perplexe. Jusqu’à ce moment, les Indiens, tout à l’exécution de leur projet, n’avaient sans doute pas fait attention à la pirogue, ou, s’ils l’avaient vue, ils avaient pensé qu’elle appartenait à quelqu’un des leurs ; mais à chaque instant l’erreur pouvait être découverte, le lepero le reconnut, et alors, il le savait trop bien, il était perdu sans rémission.

Déjà, à deux ou trois reprises différentes, des mains