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— Je l’ignore ; mais les Indiens sont des démons incarnés ; avec eux, il faut tout prévoir.

— Vous avez raison. Eh bien, au cas où un danger sérieux nous menacerait, mais dans ce cas-là, seulement, vous m’entendez, après avoir fait votre signal, vous accosterez avec la pirogue à cette pointe que vous voyez d’ici : ce sont des palétuviers au milieu desquels vous serez complètement à l’abri et où je vous rejoindrai immédiatement.

— C’est entendu ; mais vous, comment saurai-je où vous trouver ?

— J’imiterai deux fois le cri du chien des prairies. Maintenant, soyez prudent.

— Rapportez-vous en à moi.

Le Tigrero se débarrassa des vêtements qui pouvaient le gêner, tels que son zarape et ses botas vaqueras, ne garda sur lui que son pantalon et sa veste, passa son couteau dans sa ceinture, attacha ses pistolets, son rifle et sa cartouchière en un seul paquet, puis il imita à s’y méprendre le chant du maukawès. Bientôt un chant semblable s’éleva du rivage ; alors le Tigrero, après avoir fait une dernière recommandation à son compagnon, assujettit solidement ses armes sur sa tête et se laissa doucement couler dans l’eau. Le lepero l’aperçut bientôt nageant silencieusement et vigoureusement dans la direction de l’hacienda ; mais peu à peu le Tigrero se perdit dans l’éloignement et ne tarda pas à se confondre avec les ténèbres de la rive.

Dès qu’il fut seul, Cucharès, sans se rendre bien compte de la raison qui le poussait à agir ainsi, commença par visiter avec soin ses armes, dont il changea les amorces, afin d’être prêt à tout événe-