flottant à moitié submergés dans la rivière, risquaient à chaque pas de faire chavirer la frêle embarcation ; puis les animaux qui continuaient à fuir l’incendie traversaient le fleuve en troupes serrées, et si la pirogue se trouvait prise au milieu d’une de ces manadas affolées de terreur, elle serait inévitablement broyée ainsi que ceux qu’elle portait : le moindre danger que couraient les aventuriers était de recevoir une balle des sentinelles embusquées dans les épais taillis qui défendaient l’approche de la colonie du côté du fleuve. Mais ce danger n’était rien, comparativement aux autres que nous avons d’abord signalés : tout portait à supposer que les Français, mis en éveil par les lueurs blafardes de l’incendie, dirigeraient tous leurs regards du côté de la terre ferme. Du reste, don Martial se croyait assuré de n’avoir rien à redouter des sentinelles, qui avaient dû être éloignées.
Sur un signe de don Martial, le lepero prit ses pagaies.
Ils partirent.
L’incendie s’éloignait rapidement dans la direction de l’ouest, continuant toujours ses ravages.
La pirogue avançait lentement et avec précaution, au milieu des obstacles sans nombre qui, à chaque instant, entravaient sa marche.
Cucharès, pâle comme un cadavre, les cheveux hérissés, les yeux agrandis par la terreur, pagayait avec frénésie, tout en recommandant avec ferveur son âme à tous les saints de l’innombrable légende dorée espagnole, convaincu plus que jamais qu’il ne sortirait pas sauf de l’entreprise dans laquelle il s’était, à son avis, lancé si maladroitement.