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Le lepero fouilla dans sa poche, et avec une effronterie sans pareille, il étala aux yeux du banquier l’or qu’il venait à l’instant de lui voler.

Celui-ci ne sourcilla pas.

— C’est incroyable, dit-il.

— Hein ? fit le lepero en fixant sur lui un œil étincelant.

— Oui, il est incroyable que vous, señor Cucharès, vous ayez ainsi manqué de mémoire.

— Enfin, puisque je me suis souvenu, tout peut se réparer, nous allons poursuivre notre jeu.

— Fort bien ; va pour cent onces alors, n’est-ce pas ?

— Du tout ; je ne possède pas cette somme.

— Bah ! cherchez bien !

— C’est inutile, je sais que je ne l’ai pas.

— Ceci est on ne peut plus contrariant.

— Pourquoi donc ?

— Parce que je me suis juré de ne pas jouer moins.

— Ainsi, vous ne voulez pas tenir vingt onces ?

— Je ne le puis ; il n’en manquerait qu’une des cent, que je ne tiendrais pas.

— Hum ! fit le lepero, dont les sourcils se froncèrent… est-ce une insulte, Tio-Lucas ?

Le banquier n’eut pas le temps de répondre. Un homme d’une trentaine d’années, monté sur magnifique cheval noir, s’était depuis quelques secondes arrêté devant la table, écoutant, en fumant nonchalamment son pajillo, la discussion du banquier et du lepero.

— Va pour cent onces ! dit-il en s’ouvrant avec le poitrail de son cheval un chemin jusque auprès de la