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main qui était libre, une pile d’une vingtaine d’onces placée à sa portée.

Tio-Lucas dissimula une grimace ; mais il feignit de n’avoir rien vu.

Après cet échange mutuel de bons procédés, il y eut un instant de silence.

Les spectateurs n’avaient rien perdu de ce qui venait de se passer ; aussi attendaient-ils curieusement le dénouement de cette scène.

Ce fut le señor Cucharès qui le premier entama de nouveau l’entretien :

— Oh ! s’écria-t-il tout à coup en se frappant le front, je crois, par Nuestra Señora de la Merced, que je perds la tête !

— Pourquoi donc, cabellero ? demanda le Tio-Lucas, visiblement inquiet de cette exclamation.

— Caraï ! c’est bien simple, reprit l’autre, ne vous ai-je pas dit tout à l’heure que vous m’aviez gagné tout mon argent ?

— Vous me l’avez dit, en effet, ces caballeros l’ont entendu comme moi ; jusqu’au dernier ochavo, ce sont vos propres expressions.

— Je me le rappelle parfaitement, voilà ce qui me rend furieux.

— Comment ! s’écria le banquier avec un feint étonnement, vous êtes furieux de ce que je vous ai gagné ?

— Eh non ! ce n’est pas cela.

— Qu’est-ce donc alors ?

— Caramba ! c’est que je me suis trompé et qu’il me reste encore quelques onces.

— Pas possible !

— Voyez plutôt.