Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

éveillait la sympathie. L’un surtout, le moins âgé des trois — il avait à peine vingt-cinq ans — devait être, à en juger par l’apparence, un homme supérieur ; les lignes sévères de son visage, l’éclat de son regard, l’élégance et la majesté de sa démarche, le faisaient, au premier abord, reconnaître pour un homme d’élite.

Celui-là se nommait le Moqueur ; ainsi qu’il était facile de le deviner au bouquet de plumes de condor fiché dans sa touffe de guerre, c’était un des principaux chefs de la nation.

Les chefs apaches attachèrent sur les arrivants, sans paraître les examiner, ce regard profondément inquisiteur que possèdent à un degré si éminent les Indiens.

Les Comanches, bien qu’ils devinassent la force du regard qui pesait sur eux ne firent pas un geste, ne laissèrent échapper aucun mouvement qui pût déceler qu’ils se savaient le point de mire de tous les assistants.

Machiavel, tout auteur du Prince qu’il soit, n’était, comparé aux Peaux-Rouges, qu’un enfant en fait de politique. Ces pauvres sauvages, ainsi que les nomment ceux qui ne les connaissent pas, sont les diplomates les plus rusés et les plus fins qui existent.

Après un instant, l’Ours-Noir fit un pas au devant des chefs comanches, s’inclina vers eux, et leur tendant la main droite, la paume en avant :

— Je suis heureux de recevoir sous mon totem, au milieu de mon peuple, mes frères les Comanches des lacs ; ils prendront place au feu du conseil et fumeront avec leurs frères le calumet de paix.