Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment à l’embouchure du fleuve San-José, semble appelée à devenir bientôt un des principaux ports du Pacifique.

La position militaire de Guaymas est admirable.

Comme toutes les villes de l’Amérique espagnole, ses maisons sont basses, peintes en blanc et à toits plats, seul, le fort placé à la cime d’un roc, et dans lequel se rouillent quelques canons sur des affûts rongés par le soleil, est d’une teinte jaunâtre qui se marie avec la nuance d’ocre de la grève, où viennent mourir parmi les pousses vigoureusement serrées des mangliers, dont elles vivifient les rameaux échevelés, les lames rosées de la mer Vermeille ; derrière la ville s’élèvent comme d’imposants créneaux les croupes escarpées de hautes montagnes aux flancs sillonnés de ravines creusées par le passage des eaux des époques diluviennes, et dont les crêtes brunes se perdent dans les nuages.

Malheureusement, nous sommes contraint d’avouer que ce port, malgré son titre ambitieux de ville, n’est encore qu’une misérable bourgade sans église et sans auberge, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de cabarets ; au contraire, et cela se conçoit dans un port situé aussi près de San-Francisco, ils y pullulent.

L’aspect de Guaymas est triste ; on sent que, malgré les efforts des Européens et des aventuriers pour galvaniser cette population, la longue tyrannie espagnole qui, pendant trois siècles, a pesé sur elle, l’a sinon complètement atrophiée, mais du moins plongée dans une dégradation et une infériorité morales telles qu’il lui faudra bien des années encore pour s’en relever.

Le jour où commence notre histoire, vers deux