Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’Indien manso presque abruti par la fréquentation vicieuse des blancs.

Le capataz secoua la tête d’un air mécontent ; son examen était loin de le satisfaire ; cependant, après une minute d’hésitation, il reprit l’interrogatoire :

— Que fais-tu seul sur cette route, José ? lui demanda-t-il.

— Je viens del Puerto, où je m’étais loué en qualité d’ouvrier charpentier ; j’y suis resté un mois, et comme j’ai réuni la petite somme que je désirais posséder, je suis parti hier pour retourner dans mon village.

Tout cela était on ne peut plus vraisemblable : la plupart des Indiens hiaquis agissent ainsi ; et puis dans quel intérêt cet homme l’aurait-il trompé ? il était seul, sans armes ; la caravane, au contraire, était nombreuse et composée d’hommes dévoués ; nul danger n’était donc à redouter.

— Et as tu gagné beaucoup d’argent ? reprit le capataz.

— Oui, fit l’Indien d’un air de triomphe, cinq piastres et puis trois autres encore.

— Oh ! oh ! José, te voilà riche.

Le hiaqui sourit d’un air équivoque.

— Oui, dit-il, le Tiburon a de l’argent.

— Tu te nommes le Tiburon[1] ? reprit le capataz avec défiance ; c’est un vilain nom.

— Pourquoi cela ? les visages pâles ont donné ce nom à leur fils rouge, il le trouve beau puisqu’il leur vient d’eux et il le garde.

— Ton village est-il loin d’ici ?

— Si j’avais un bon cheval j’y arriverais dans

  1. Le requin.