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La cour de la maison ressemblait à une hôtellerie ; quinze mules chargées de ballots attendaient, pendant qu’on s’occupait à préparer le palanquin dans lequel doña Anita devait faire la route,

Une quarantaine de chevaux, sellés, bridés, le mousqueton pendu au trusquin, les pistolets aux arçons, étaient attachés à des anneaux scellés dans le mur, et un peon tenait en main un superbe coureur magnifiquement harnaché, destiné à don Sylva, et qui piaffait en rongeant son frein d’argent qu’il couvrait d’écume.

C’était un tohu-bohu et un vacarme assourdissant de cris, de rires et de hennissements.

Dans la rue, une foule de gens, au milieu desquels se trouvaient confondus Cucharès et don Martial, de retour déjà de leur expédition au Rancho, regardaient avec curiosité ce départ auquel ils ne pouvaient rien comprendre, à une époque aussi avancée de l’année, si peu propice au séjour de la campagne, et faisant des commentaires à perte de vue sur ce voyage qui leur semblait extraordinaire.

Parmi tous ces individus réunis par le hasard ou la curiosité, se trouvait un homme, un Indien évidemment, qui appuyé nonchalamment en apparence contre un pan de mur, ne perdait pas de vue la porte de la maison de don Sylva, et suivait avec un intérêt évident tous les mouvements des nombreux serviteurs de l’haciendero.

Cet homme, jeune encore, paraissait être un Indien hiaqui, bien qu’un observateur, après lui avoir fait subir un sérieux examen, eût assuré le contraire : il y avait dans le front large de cet homme, dans son œil dont il cherchait vainement à tempérer l’éclat,