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il me sera toujours facile, quand je le voudrai, de vous atteindre ! Nous sommes fils d’Indiens et d’Epagnols, nous autres ; nous avons la haine vivace, prenez garde !

Après avoir fait au comte un salut ironique, il éclata d’un rire moqueur, éperonna son cheval et partit avec une rapidité vertigineuse, suivi par son silencieux compagnon.

Le comte les regarda s’éloigner d’un air pensif ; lorsqu’ils eurent disparu dans l’ombre, il hocha la tête à plusieurs reprises, comme pour secouer les pensées sinistres qui l’assaillaient malgré lui, puis il ramassa son sabre et ses pistolets abandonnés sur le sol, prit la bride de son cheval et s’avança à pas lents vers la pulqueria, auprès de laquelle la lutte avait eu lieu.

La lumière qui filtrait entre les planches mal jointes de la porte, les chants et les rires qui retentissaient à l’intérieur, lui faisaient supposer qu’il trouverait dans cette maison un abri provisoire.

— Hum ! murmura-t-il à mi-voix tout en marchant, ce bandit à raison, il me connaît, et moi il m’est impossible de le retrouver. Vive Dieu ! me voilà une belle et bonne haine sur les bras ! Bah ! ajouta-t-il, qu’importe ! j’étais trop heureux, il me manquait un ennemi ! Sur mon âme ! on aura beau faire, et quand même l’enfer se liguerait contre moi, je jure que rien ne pourra me faire renoncer à la main de doña Anita.

En ce moment il se trouva devant la pulqueria, à la porte de laquelle il frappa.

Fort peu patient de sa nature, aigri encore par l’accident qui lui était arrivé et la lutte terrible