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du désert, le rugissement grave du couguar, le miaulement saccadé de la panthère ou de l’once, et les abois rauques des coyotes en quête d’une proie.

Le comte, à son départ de Guaymas, avait pressé le pas de son cheval ; mais, subjugué malgré lui par les attraits irrésistibles de cette délicieuse nuit d’automne, il ralentit insensiblement le pas de sa monture et s’abandonna au flot de pensées qui montaient incessamment à son cerveau et le plongeaient dans une douce rêverie.

Le descendant d’une vieille et hautaine race franque, seul dans ce désert, repassait dans son esprit les splendeurs de son nom éclipsées depuis si longtemps, et son cœur se gonflait de joie et d’orgueil en songeant qu’à lui était réservée peut-être la tâche de réhabiliter ceux dont il descendait et de reconstituer pour toujours, cette fois, la fortune de sa famille, dont il avait été jusqu’alors un si mauvais gardien.

Cette terre qu’il foulait aux pieds devait lui rendre au centuple ce qu’il avait perdu et dissipé follement ; le moment était arrivé où, libre enfin de toutes entraves, il allait réaliser ces plans d’avenir depuis si longtemps gravés dans sa tête.

Il marchait ainsi, voyageant dans le pays des chimères, et tellement absorbé dans ses pensées, qu’il ne s’occupait plus de ce qui se passait autour de lui.

Les étoiles commençaient à pâlir dans le ciel et à s’éteindre les unes après les autres. L’aube traçait une ligne blanche qui prenait peu à peu des teintes rougeâtres dans les lointains obscurs de l’horizon ; à l’approche du jour, l’air devenait plus frais ; alors le comte, réveillé pour ainsi dire par l’impression