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ployé le double et même le triple de temps qu’il eut mis dans toute autre circonstances, il atteignit, vers dix heures du soir, la maison où il logeait.

Il lui avait fallu près de deux heures pour faire environ six cents pas.

En arrivant au meson, le comte alla d’abord visiter dans le coral son cheval, auquel il donna lui-même deux bottes d’alfalfa ; puis, après avoir recommandé qu’on l’éveillât à une heure du matin, si par hasard, ce qui n’était pas probable, il n’était pas debout, il se retira dans son cuarto afin de prendre quelques heures de repos.

Le comte avait l’intention de partir à une heure du matin afin d’éviter la chaleur du jour et de voyager plus tranquillement.

Et puis, après sa longue conversation avec don Sylva, le noble aventurier n’était pas fâché de se retrouver seul, afin de récapituler dans son esprit tout ce qui lui était arrivé d’heureux pendant la soirée qui venait de s’écouler.

Depuis qu’il avait mis le pied en Amérique, le comte de Lhorailles jouait — pour nous servir d’un terme familier — d’un bonheur insolent : tout lui réussissait, tout arrivait au gré de ses désirs ; en quelques mois le bilan de sa fortune se résumait ainsi : une colonie fondée sous les plus heureux auspices et déjà en voie de progrès et d’amélioration ; tout en conservant bien intacte sa nationalité, c’est-à-dire sa liberté d’action et une neutralité inviolable, il était au service du gouvernement mexicain, capitaine d’une compagnie franche de cent cinquante hommes dévoués, avec lesquels il pouvait presque, sinon faire, du moins tenter les entreprises les plus