tout chancelant, fou d’amour et de crainte, il alla tomber agenouillé auprès de celle qu’il aimait.
La jeune femme ouvrit les yeux.
— Oh ! s’écria-t-elle en apercevant don Martial, béni soit Dieu ! puisqu’il vous envoie à mon secours.
Le Tigrero la contemplait l’œil humide et la poitrine haletante.
Mais tout à coup la jeune fille se redressa, le souvenir lui revenait, avec lui cette pudeur craintive innée chez toutes les femmes.
— Sortez ! s’écria-t-elle en reculant jusqu’au fond de la chambre, sortez, caballero. Comment êtes-vous ici ? qui vous a conduit près de moi ? Répondez, mais répondez donc !
Le Tigrero baissa humblement la tête.
— Dieu, fit-il d’une voix inarticulée, Dieu seul m’a conduit auprès de vous, señorita, vous-même l’avez dit ! Oh ! pardonnez-moi d’avoir osé vous surprendre ainsi. J’ai commis une grande faute, je le sais ! mais un malheur vous menace, je le sens, je le devine ; vous êtes seule, sans appui, et je suis venu pour vous dire : Madame, je suis bien infime, bien indigne de vous servir, mais vous avez besoin d’un cœur ferme et dévoué, me voilà ! prenez mon sang, prenez ma vie, je serais si heureux de mourir pour vous ! Au nom de Dieu, señora, au nom de ce que vous aimez le plus au monde, ne repoussez pas ma prière ; mon bras, mon cœur sont à vous, disposez-en.
Ces paroles avaient été prononcées d’une voix entrecoupée par le jeune homme, agenouillé au milieu de la chambre, les mains jointes et fixant sur doña Anita ses yeux dans lesquels il avait fait passer son âme tout entière.