Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guerre ; il faut la saisir quand elle se présente ; on risque sans cela de ne la retrouver jamais.

Le Mexicain s’approcha du lepero à le toucher, et plongeant son regard dans ses yeux de chat-tigre :

— Cucharès, lui dit-il d’une voix basse et concentrée, je me fie à toi. Tu me connais ; souvent je te suis venu en aide ; si tu trompais ma confiance, je te tuerais comme un coyote.

Le Tigrero prononça ces paroles avec un tel accent de sourde fureur que le lepero, qui connaissait l’homme en face duquel il se trouvait, pâlit malgré lui et sentit un frisson de terreur agiter ses membres.

— Je vous suis dévoué, don Martial, répondit-il d’une voix qu’il chercha vainement à rassurer ; quoi qu’il arrive, comptez sur moi : que faut-il faire ?

— Rien, attendre, veiller, et au moindre bruit suspect, à la première ombre ennemie qui paraîtra dans l’obscurité, m’avertir.

— Comptez sur moi, allez à vos affaires ; je suis sourd et muet, et pendant votre absence je veillerai sur vous comme un fils sur son père.

— Bien ! fit le Tigrero.

Il se rapprocha de quelques pas, défit la reata enroulée à ses hanches et la prépara dans sa main droite, puis il leva les yeux, calcula la distance, et faisant tournoyer avec force la reata autour de sa tête, il la lança sur le balcon de doña Anita.

Le nœud coulant de la reata se prit dans un crampon de fer et demeura solidement fixé au balcon.

— Souviens-toi ! dit le Tigrero en se tournant vers Cucharès.

— Allez, répondit celui-ci en s’appuyant contre la