Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
LA FIÈVRE D’OR.

sous les chauds rayons du soleil ; mais, pendant les ténèbres, l’imagination se crée de si horribles fantômes, que, s’il nous est permis d’employer une comparaison triviale, nous dirons qu’ils en étaient peu à peu arrivés à avoir peur, non pas du danger en lui-même, mais de la crainte de ce danger.

Les trois hommes étaient depuis assez longtemps déjà dans cette situation perplexe, lorsque tout à coup un cri horrible s’éleva dans l’air, suivi d’un bruissement de branches, de la chute d’un corps sur le sol et de la fuite de plusieurs hommes dont les noires silhouettes se dessinèrent dans l’ombre.

Les aventuriers tirèrent au juger et s’élancèrent rapidement du côté où ils entendaient la lutte, qui semblait toujours continuer.

Au moment où ils arrivèrent, Curumilla qu’ils reconnurent, tenait le genou droit appuyé sur la poitrine d’un homme renversé sous lui, tandis que sa main gauche lui comprimait fortement la gorge et le réduisait à l’impuissance la plus complète.

— Ooah ! fit l’Araucan en se tournant vers ses compagnons avec une expression de férocité inexprimable, un chef !

— Bonne prise ! dit Valentin ; plantez votre couteau dans la poitrine de ce drôle, et finissons-en.

Curumilla leva son couteau, dont la lame lança un éclair bleuâtre.

— Un instant ! s’écria don Luis ; voyons d’abord qui il est ; nous serons toujours à même de le tuer, si nous le voulons.

Valentin haussa les épaules.

— Laisse le chef se charger de cette besogne, dit-il, il s’y entend mieux que nous. Lors-