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LA FIÈVRE D’OR.

lonel Guerrero ? Se mettre en route un vendredi et partir à cette heure ! Croit-il, par hasard, que les salteadores (voleurs de grande route) le laisseront passer ? Hum ! il verra ce qu’ils feront à la baranca del mal paso (gorge ou carrefour du mauvais pas).

Cependant les voyageurs, probablement inaccessibles aux craintes superstitieuses qui dominaient le digne officier, s’éloignaient rapidement dans la longue allée de saules qui s’étend de la ville à Zapopam, sans paraître se soucier ni de l’heure avancée ni du vendredi, jour néfaste s’il en fut jamais.

Ils étaient au nombre de six, le colonel don Sébastian Guerrero, sa fille, et quatre peones ou criados indiens.

Le colonel don Sébastian Guerrero était un homme de haute taille, aux traits durs et accentués, au teint bronzé et à la physionomie hautaine ; les quelques fils argentés mêlés à sa noire chevelure montraient qu’il devait avoir passé le milieu de la vie, bien que ses membres robustes, sa taille droite et l’éclat de son regard dénotassent que les années n’avaient pas encore eu de prise sur cette organisation énergique.

Il portait le costume d’officier supérieur mexicain avec cette aisance et ce laisser-aller particulier aux vieux soldats ; mais en sus du sabre pendu à son côté, ses arçons étaient garnis de pistolets, et une carabine placée en travers de sa selle montrait que, le cas échéant, il ferait bravement tête à ceux qui oseraient tenter de le mettre à rançon.

Sa fille, doña Angela, se tenait à sa droite. En Europe, où la croissance des femmes n’est pas, tant s’en faut, aussi précoce qu’en Amérique, elle n’au-