Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
79
LA FIÈVRE D’OR.

— Curumilla, mon frère !

À cette preuve de souvenir et d’amitié après tant d’années, à cette émotion si franche et si vraie de la part de l’homme auquel il avait donné jadis tant de marques de dévouement, la couche de glace qui entourait le cœur de l’Indien se fondit tout à coup, son visage prit une teinte terreuse, un tremblement convulsif agita tout son corps.

— Oh ! mon frère Luis ! s’écria-t-il avec un accent impossible à rendre.

Un sanglot semblable à un rugissement déchira sa poitrine, et honteux d’avoir ainsi dévoilé sa faiblesse, le chef se détourna vivement et cacha son visage sous les plis de son manteau.

De même que toutes les natures primitives et énergiques, cet homme, contre lequel l’adversité ne pouvait rien, venait d’être brisé comme un faible enfant par la joie immense qu’il avait éprouvée en revoyant don Luis, l’homme que Valentin aimait plus qu’un frère et dont il pleurait depuis si longtemps l’absence.

— Ainsi, tu ne me quittes plus, frère ? demanda Louis avec inquiétude.

— Non, rien ne nous séparera désormais.

— Merci, répondit le comte.

— Allons, allons, fit gaîment Valentin, occupons-nous des bestiaux.

Tout fut bientôt en rumeur dans le campement.

Don Cornelio ne comprenait rien à ce qu’il voyait ; ces étrangers arrivés quelques heures à peine auparavant, déjà si liés avec son ami, causant avec lui comme de vieilles connaissances, faisaient naître en lui une série d’idées plus extravagantes les unes