Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
67
LA FIÈVRE D’OR.

dans la bonne voie, je crois que nous ne tarderons pas à rencontrer enfin ceux que nous cherchons depuis si longtemps.

Quelque chose comme un sourire sembla vouloir contracter les traits de l’Indien ; mais cette tentative ne fut pas heureuse et s’arrêta à la grimace.

Soudain Curumilla posa la main sur la bride du cheval de son compagnon, et se penchant en avant :

— Écoutez lui dit-il.

Valentin prêta l’oreille attentivement, malgré cela quelques minutes s’écoulèrent avant qu’il pût distinguer autre chose que ces bruits confus et mystérieux, qui ne s’éteignent jamais au désert ; enfin quelque chose comme une note musicale, apportée sur l’aile de la brise, vint doucement mourir à son oreille.

Le chasseur se redressa avec surprise.

— Ah ! pardieu ! s’écria-t-il, voilà un musicien qui choisit bien son temps pour se donner un concert. Je suis curieux de voir de plus près un tel original. En avant ! en avant !

Après avoir encore marché pendant à peu près la longueur d’un quart de mille, ils commencèrent à voir briller les lueurs d’un feu à travers les arbres, et ils entendirent distinctement une voix mâle et sonore qui chantait en s’accompagnant sur la jarana.

Les chasseurs s’arrêtèrent étonnés et écoutèrent.

— Vive Dieu ! murmura le Français, c’est le romancero du roi Rodrigo, chanté par une voix inconnue pendant la nuit au fond d’une forêt vierge de l’Amérique ; jamais cette puissante poésie ne m’était autant arrivée au cœur ! En effet, tout ici est en harmonie avec ce chant si triste et si véritablement