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LA FIÈVRE D’OR.

résignée que les déceptions de toutes sortes et les grandes douleurs impriment d’une façon indélébile sur le visage des hommes forts que les terribles orages de la vie ont souvent courbés, sans pourtant jamais les abattre.

L’Indien était toujours morose, concentré ; l’âge, qui avait eu encore moins de prise sur son organisation, que sur celle de son compagnon, avait seulement augmenté dans d’énormes proportions la taciturnité habituelle du digne Araucan et jeté sur son visage sombre un voile plus épais de ce fatalisme impassible particulier à la race aborigène de l’Amérique.

Les deux hommes s’avançaient lentement, côte à côte, semblant plongés dans de sérieuses réflexions.

Parfois Valentin s’arrêtait, jetait un regard investigateur autour de lui, puis il reprenait sa marche en secouant la tête d’un air de doute.

Chaque fois que le chasseur retenait ainsi la bride de son cheval, Curumilla l’imitait, mais sans témoigner par aucun signe, ni par aucun geste qu’il s’intéressât le moins du monde à la manœuvre à laquelle se livrait son ami.

Cependant la forêt se faisait à chaque pas plus épaisse, les sentes devenaient plus étroites, et tout semblait présager que bientôt les chevaux ne pourraient plus avancer, empêchés par les lianes qui se croisaient, s’enchevêtraient et s’enroulaient de façon à former presqu’un rideau devant eux.

Les deux cavaliers atteignirent enfin, après des difficultés extrêmes, la clairière dont nous avons parlé plus haut ; arrivé là, Valentin s’arrêta, et poussant un soupir de soulagement :