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LA FIÈVRE D’OR.

la température était redevenue lourde et accablante.

Les arbres, immobiles, cachaient sous leurs épaisses ramures les oiseaux de toutes sortes, qui, tapis sous la feuillée, ne révélaient par intervalles leur présence que par des cris aigus et discordants ; de hideux alligators, vautrés dans la fange des marécages ou cramponnés aux troncs des arbres morts, épars çà et là, étaient les seuls êtres vivants qui animassent le paysage, rendu plus sombre et plus morne par la lueur pâle, incertaine et tremblottante des rayons de la lune, qui filtraient à grand’peine à travers les rares éclaircies du dôme de verdure de la forêt et se jouaient capricieusement et fantastiquement sur les arbres et les branches sans parvenir à diminuer la mystérieuse obscurité qui régnait sous le couvert.

Un bruit de pas de chevaux se fit entendre dans une des innombrables sentes tracées par les pieds des bêtes fauves, et dont les réseaux inextricables se croisent dans tous les sens pour aboutir à des cours d’eau inconnus, servant d’abreuvoirs aux redoutables bêtes du désert ; et deux hommes débouchèrent dans une clairière formée par la chute de plusieurs arbres morts de vieillesse, et dont les troncs moussus étaient déjà en décomposition.

Ces deux hommes que nous mettons en scène étaient tous deux revêtus du costume des chasseurs ou coureurs des bois, armés du rifle américain, du long couteau et du machete ; une reata roulée et attachée à l’arçon de la selle les faisait reconnaître pour des partisans des frontières mexicaines.