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LA FIÈVRE D’OR.

passe son temps à faire des questions. Seulement, vous me permettrez de ne pas répondre à la vôtre ; nous sommes de vieux voyageurs, mon ami et moi, et nous savons que sur les routes de ce pays on se repent souvent de trop raconter ses affaires, mais jamais de les garder pour soi.

Le colonel se redressa d’un air piqué.

— À votre aise, caballero, répondit-il froidement, je ne puis vous en vouloir de votre prudence ; seulement je vous ferai observer que vous avez mal compris mes intentions ; je ne voulais, au cas où vous auriez été dans la tierra caliente, que vous offrir mon escorte pour traverser un passage mal famé, où est embusquée en ce moment la troupe d’un bandit redoutable nommé el Buitre.

— Je connais l’homme de réputation, fit l’étranger d’un ton un peu plus affable ; mon ami et moi nous suffirons, je l’espère, pour nous débarrasser de lui ; cependant, bien que je n’accepte pas votre offre, je vous remercie de la cordialité qui, sans me connaître, vous a poussé à me la faire.

La conversation en demeura là ; les deux hommes se saluèrent avec toutes les marques de la plus exquise politesse et se tournèrent le dos.

Le colonel, froissé de la façon dont ses avances avaient été reçues, donna l’ordre du départ et alla chercher sa fille.

Un instant après il reparut avec elle. La troupe se mit en selle, et sur un signe de don Sébastian, elle partit.

En passant devant les étrangers qui regardaient défiler la petite troupe, le colonel ôta son chapeau, ainsi que don Cornelio ; doña Angela fit un salut