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LA FIÈVRE D’OR.

un flot de vapeurs, et après un crépuscule dont la durée fut presque nulle, le jour succéda pour ainsi dire immédiatement à la nuit.

Don Cornelio, aidé par les domestiques du colonel, pansait les chevaux et sellait les mules, préparatifs qui eurent le privilége d’amener sur les lèvres renfrognées de l’hôtelier un sourire, soit dit en passant, dont l’expression plus que suspecte aurait peut-être donné fort à réfléchir au colonel, s’il avait pu l’apercevoir.

Soudain un bruit de chevaux se fit entendre au dehors, et par la porte laissée ouverte après le départ des arrieros et des autres voyageurs, deux hommes à cheval firent au grand trot leur entrée dans le patio.

À cette arrivée inattendue, l’hôtelier se retourna comme si un serpent l’avait piqué.

— Allons ! murmura-t-il, à peine fait-il jour, que cette engeance maudite me tombe sur les bras !

Les deux arrivants, sans se préoccuper de la mauvaise humeur de l’hôte, mirent pied à terre, et ôtant la bride à leurs chevaux, ils les conduisirent à la noria afin de les faire boire.

Ces voyageurs étaient revêtus du costume des habitants des frontières, ils paraissaient âgés de quarante à quarante-cinq ans. De même que tous les voyageurs de ce bienheureux pays, où chacun ne doit compter que sur soi, ils étaient armés ; seulement, au lieu de la lance ou du fusil usités dans l’intérieur, ils avaient d’excellents rifles mexicains, particularité qui outre leurs zarapés de facture indienne et leurs mustangs pleins de feu et à demi sauvages, les faisait reconnaître pour des Sonoriens,