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LA FIÈVRE D’OR.

— Au diable vos chansons ! lui dit-il. Qu’avez-vous besoin de venir glapir ainsi à mes oreilles, lorsque vous devriez, au contraire, faire vos préparatifs de départ ?

— Eh mais ! c’est notre digne huesped en personne, répondit don Cornelio avec l’accent joyeux qui lui était habituel ; comment ! vous n’aimez pas la musique ? Vous avez tort, mon hôte, car ce que je vous chante est réellement beau.

— C’est possible, fit l’autre d’un ton bourru ; mais je vous serai obligé de me dispenser d’en entendre davantage.

— Oh ! oh ! vous n’êtes pas de bonne humeur, ce matin ; mais qu’avez-vous donc, que vous voilà si enmitouflé ? Sur mon âme ! seriez-vous malade. Oh ! je vois ce que c’est, vous aurez dormi la fenêtre ouverte et attrapé une rage de dents.

L’hôtelier devint vert de colère impuissante.

— Caballero ! s’écria-t-il, prenez garde !

— À quoi ? répondit paisiblement don Cornelio ; le mal de dents ne se gagne pas, que je sache. Pauvre homme ! la douleur le fait divaguer. Soignez-vous, mon bon, soignez-vous, je vous le conseille.

Et sans plus de cérémonie, il lui tourna le dos et reprit, au point où il l’avait laissé, le chant qui agaçait si fort l’hôtelier.

— Hum ! murmura celui-ci, en lui montrant le poing par derrière, j’espère bien que tu attraperas quelque chose dans la bagarre, toi, avec ton air narquois ! Ah ! ajouta-t-il, voilà le soleil qui se lève, il se décidera peut-être enfin à descendre.

En effet, en ce moment le soleil apparaissait dans