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LA FIÈVRE D’OR.

comme je le suppose, vous appréciez mon caractère à sa juste valeur, vous savez que je ne cherche qu’une chose : régénérer ces malheureux peuples, qu’une sujétion abrutissante a plongés depuis tant de siècles dans une dégradante barbarie.

— Vous ne voulez que le bien de l’humanité, c’est entendu ! fit le bandit avec un rire ironique. Nous ne serions pas l’un et l’autre de dignes fils de l’uncle Sam, de cette terre de liberté et de philanthropie théorique, si nous ne rêvions pas l’amélioration de la société. Voilà pourquoi, en attendant, pour rester dans les bons principes nous l’avons mise en coupe réglée, en nous faisant de notre autorité privée, redresseurs de torts et gentilshommes de grands chemins, charmant métier, soit dit en passant, et que nous exerçons en conscience !

— Allez au diable, Protée indéchiffrable ! s’écria le jeune homme avec colère ; ne saurai-je donc jamais ni comment parler, ni comment agir avec vous ?

— Non, répondit-il sérieusement, non, John, tant que vous voudrez jouer au fin avec moi, qui vous connais jusque dans vos replis les plus secrets. Cessez d’étaler de faux semblants d’honnête homme, qui ne trompent personne, pas même vous, et soyez franchement un chef de bandits jusqu’à ce que vous puissiez être autre chose ; lorsque ce moment sera arrivé, il sera temps de prendre un manteau d’hypocrisie qui trompera les sots, et consolidera la position que vous aurez conquise.

En ce moment, le cri de la chouette se fit entendre dans l’épaisseur des bois.

— Qu’est cela ? demanda el Buitre, qui n’était