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LA FIÈVRE D’OR.

— Vous le pensez, ce qui revient au même. Mais cela m’est égal ; je vous dispense de la reconnaissance ; vous pouvez même me haïr, si cela vous plaît, peu m’importe ! Je ne vous aime pas pour vous, je vous aime pour moi. Sur ce brisons-là, et parlons d’autre chose, voulez-vous ?

— Je ne demande pas mieux, car je vois que je perdrais autant de temps à chercher à tirer une bonne raison de vous, qu’à essayer de blanchir un nègre.

— Ta ! ta ! ta ! vous êtes fou, je vous le répète. Mais laissez-moi faire ; si certaine chose que je mijote en ce moment réussit, nous ne tarderons pas à enterrer el Buitre pour ressusciter John Stanley.

Le salteador tressaillit.

— Dieu vous entende ! s’écria-t-il involontairement.

— Dites le diable plutôt, si vous voulez être dans le vrai, répondit en ricanant le bandit ; mais rapportez-vous-en à moi. Bientôt, je l’espère, nous changerons si complétement de peau, que ceux qui nous reconnaîtront seront bien fins. Voyez-vous, John, dans ce monde, il ne s’agit que de savoir prendre la balle au bond et tourner avec le vent.

— Je vous avoue, mon ami, que je ne comprends pas un mot à ce qu’il vous plaît de me débiter.

— Eh ! qu’avez-vous besoin de comprendre ? Vous êtes-vous jamais mal trouvé de vous être laissé guider par moi ? En deux mots comme en mille, avant peu, nous retournerons nos habits, et changerons, non pas le métier que nous pratiquons si agréablement, mais le nom sous lequel nous le faisons, pour en prendre un plus sonore et plus relevé.