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LA FIÈVRE D’OR.

bénéfices sont grands et les dangers nuls, je vous l’accorde ; mais…

— Eh bien ! pourquoi vous arrêtez-vous ? Continuez.

— Enfin, je n’étais pas né pour un pareil métier.

El Garrucholo partit d’un éclat de rire.

— Est-ce donc là que le bât vous blesse ? fit-il en haussant les épaules ; vous êtes fou, compagnon : tout homme est né pour le métier qu’il exerce, surtout quand c’est lui qui l’a choisi.

— Voulez-vous prétendre par là…

— Ce qui est, pas autre chose. Lorsque je vous relevai à Mexico, sous les portates (arcades) de la plaça Mayor, avec un poignard enfoncé dans la poitrine jusqu’à la garde, et pas un réal dans la poche, j’aurais mieux fait, le diable m’emporte ! de vous laisser crever comme un chien sans maître, au lieu de vous guérir ; du moins je ne vous entendrais pas déraisonner.

— Pourquoi ne l’avez-vous pas fait alors ? au moins je serais mort sans déshonorer un nom honorable.

— Au diable soit le nom honorable et celui qui le porte ! Vous me faites damner, mon cher, avec vos ridicules prétentions ; vous oubliez toujours, avec votre manie de noblesse que vous n’êtes qu’un enfant trouvé.

El Buitre fronça les sourcils, et saisissant le bras de son lieutenant :

— Assez sur ce sujet, Redblood ! Vous savez que déjà je vous ai averti que je ne voulais supporter aucune plaisanterie de ce genre.

— Bah ! qu’est-ce que cela signifie, d’être enfant