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LA FIÈVRE D’OR.

Pour rendre hommage à la vérité, nous devons avouer que, soit frayeur, soit toute autre cause, les deux peones s’acquittèrent en conscience de leur office de bourreaux.

L’hôtelier beuglait comme un bœuf ; il était fou de rage et se tordait comme une vipère, dans les liens qu’il cherchait vainement à rompre.

Le colonel se tenait impassible auprès de lui.

Seulement, de temps en temps, il lui demandait d’une voix ironique comment il trouvait ses arguments et s’il se déciderait bientôt à s’y rendre.

Les forces humaines ont des limites qu’elles ne peuvent dépasser ; malgré toute sa rage et tout son entêtement, l’hôtelier fut enfin contraint de convenir, à part soi, qu’il avait affaire à plus entêté que lui, et que s’il ne voulait mourir sous les coups, il lui fallait se résoudre à subir l’humiliation qui lui était imposée.

— Je me rends ! cria-t-il d’une voix éteinte et brisée autant par la colère que par la douleur.

— Déjà ! répondit froidement le colonel ; peuh ! je vous croyais plus brave ! À peine avez-vous reçu une trentaine de coups. Arrêtez, vous autres, et déliez votre maître.

Les peones obéirent avec empressement. Lorsqu’il fut libre, l’hôtelier voulut se relever, mais les forces lui manquèrent et il tomba sur le sol, où, pendant quelques instants, il demeura étendu.

Enfin il fit un effort désespéré et se redressa.

Son visage était pâle, ses traits contractés, une sueur abondante perlait à ses tempes, qui battaient à se rompre ; il avait des bourdonnements dans les oreilles et des larmes de honte coulaient de ses yeux.